Leibniz était un mec trop cool

Ce blog est consacré à la rédaction d'opuscules à teneur métaphysique sur des groupes de rock & roll (et aussi à Leibniz)

Tuesday, October 17, 2006

Daniel Johnston, et quelques remarques générales sur le sens de la vie.

1°) On parle souvent du caractère outrageusement autobiographique, expressif de la musique de Daniel Johnston. Il compose chaque jour, une multitude innombrable de mélodies et les fait transcrire chaque détail de son existence. De la plus infime contrariété de la frustration amoureuse jusqu’aux inflexions du combat contre la folie. Tout se passe comme si l’on pouvait lire dans l’intégralité chronologique de ses chansons une autobiographie maniaque et exhaustive, une description patiente de chaque micro-événement de son existence. Or cette démarche autobiographique contraste sensiblement avec le procédé concret d’élaboration des mélodies :

"Well, I already knew how to play. And I was into Queen-- the old Queen. You know what they call the old and the new Queen. And when I learned how to play I was always trying to write with Queen, listening to Queen. And I was always thinking, "Well, I have an overdub here, and an overdub..." but I could never quite get a song. And then I started listening to the Beatles and got more into the knack of songwriting. And then, finally, my dad bought me a book called Complete Beatles, and because I knew what the chords were at that time, from piano, I knew, I played every song in that book again and again, and I did develop a rapport with the Beatles songs. I began to re-work because of what Ringo said in an interview. He said, "We took other people's songs and rearranged their chord structures to write songs," and I go, "Wow!" and I started doing that with their songs. And it was like magic, rearranging the chords. It was like a mathematical situation.
It was just a phenomenal theory for me. Of course, if the Beatles heard about this today they'd roll over in their graves, but you know, that's what I did and it was revolutionary to me and that went on forever. This book was like a bible to me and I knew all their songs and I played them, and then I kept doing this again and again and again. I kept writing with the Beatles theory over and over again. Millions of songs. "
(interview à Pitchfork, janvier 2002)


On a donc affaire à une gigantesque combinatoire à partir de l’intégrale des Beatles, chaque chanson des fab four étant disséquée, apprise, découpée en accords puis réassemblée en une autre chanson. Les morceaux de Daniel Johnston ne sont que le produit quasi arithmétique d’une combinaison entre tous les accords utilisés par les Beatles en une autre chanson. La note n’est donc pas chez Johnston expressive, elle ne sort pas d’une pulsion lyrique, d’une transcription immédiate du sentiment, elle est d’importation. Daniel Johnston trouve les plus belles mélodies du monde mais par un travail de laborantin, d’artisan à partir d’un matériau d’importation.
On dira, c’est dans les paroles que l’autobiographique s’exprime et non dans la musique. Certes mais dès lors le chant acquiert une position médiane en tant qu’il est le support conjoint des paroles et de la mélodie. Dans n’importe quelle « chanson », la voix est bien ce qui relie une histoire à une mélodie, ce qui fait que l’on n’a pas affaire à un texte, d’un côté, et à une suite de note de l’autre, mais bien à un tout, à un ensemble cohérent, bref, à une chanson. Or cette fonction d’homogénéisation de la mélodie et des paroles par le chant, qui semble être une idée banale, ne l’est pas chez Daniel Johnston.
- D’une part parce que souvent le texte est en déséquilibre sur la mélodie – d’où l’humour prodigieux de ses chansons : une pop song entraînante exprimant une déclaration d’amour à une motocyclette ou une ode à Casper, une ligne déchirante qui chante « I’m walking down that empty road. But it ain’t empty now. Because I’m on it » etc. les chansons de Daniel Johnston ne cessent de pratiquer cet humour en porte-à-faux, ces sentences désarmantes de drôlerie et d’absurdité (et aussi parfois de tristesse ou d’angoisse) qui viennent crocheter la plus impeccable des mélodie.
- Mais d’autre part cette fonction d’homogénéisation du texte et de la musique dérape parce que ce qui est censé en être le vecteur – la voix ne cesse au contraire de déborder le fil de la mélodie, elle se hisse vers des notes trop hautes pour elle, elle chante la gorge nouée, elle chante trop fort, trop vite comme si elle n’était pas adaptée pour ces mélodies, comme si ces compositions de luxe était trop hautes pour cette voix de cartoon.
C’est que la voix est chargée. Chargée de vie dans un sens plus que biographique. On peut chanter les paroles les plus autobiographiques sans le moindre souffle de vie, mais la voix de Daniel Johnston transcrit le biographique en vital en tant qu’elle fait d’événements intimes des faisceaux de forces qui ne cessent de mettre le chant en déséquilibre. La vie est une relation de déséquilibre et chanter vitalement c’est chanter en position de déséquilibre. Ce sont des forces de folie, des forces de tristesse bien sûr mais ce sont également des forces d’humour, de bonheur. Ce sont toutes les forces vitales qui parasitent l’équilibre d’une mélodie pop.
Si cette musique est autobiographique ce n’est pas en tant qu’elle relate des événements personnels, c’est parce qu’elle inspecte dans la patience du travail de composition l’influence de forces extra-mélodiques. Elle ne cherche pas à les transcrire ou à les exprimer (cette écriture a trop d’humour pour cela) elle observe comment elles influent sur la mélodie, comment elles chargent peu à peu la voix, comment elles la saturent ou l’usent. Ecrire tous les jours c’est observer jour après jour, suivant l’humeur, le temps, l’état mental, l’événement, ce qui se passe – au sens propre – dans la mélodie, ce qui la traverse. Il n’est en ce sens pas anodin que Daniel Johnston passe au bout d’un certain moment du piano à la guitare, de son instrument de prédilection dont il avait acquis une certaine technique à un instrument étranger dont il peine à faire sortir un son juste, un accord net. C’est que la guitare marque un certain vecteur de régulation du chaos comme l’avait fait auparavant le passage du piano à l’incroyable orgue-percussion de Yip Jump Music (son chef d’œuvre). Daniel Johnston ne cesse d’évoluer vers des formes instrumentales qui déjouent sa virtuosité (du moins si l’on excepte ses disques avec groupe) Au dernier concert parisien à la Maroquinerie il était frappant de voir le contraste entre un jeu piano somptueux et un jeu de guitare au-delà du rudimentaire : quelque chose qui s’apparentait plus à une façon de gratter un matériau brut, à le gratter sans qu’on distingue les accords, avec un rythme répétitif, comme s’il s’agissait avant tout d’ouvrir l’interprétation à toutes les puissances de déséquilibre qui la sous-tendent. Et Daniel Johnston ne cesse d’insister sur cette situation de déséquilibre lorsqu’il parle du combat du Bien et du Mal. Comme il le reconnaissait lui-même, Dieu et Satan ne sont considérés qu’en tant qu’ils forment des faisceaux de forces intérieurs – de même les différents personnages des comics. Ces personnages sont des archétypes, c'est-à-dire qu’ils incarnent, qu’ils personnalisent des forces multiples et antagonistes. Les dessins de Daniel Johnston sont toujours des assemblages de personnages symboliques qui fonctionnent comme des personnifications de sensations basiques : Daniel en super héro, Daniel à la tête coupée, Daniel amoureux etc. Son imaginaire est un réseau entre des personnages qui cristallisent simplement des états affectifs. Et chanter c’est intégrer ce réseau de forces dans une mélodie.

2°) Qu’est ce qui nous conduit à dire qu’il y a dans cette musique, mais aussi dans celle du Jackson C. Frank de 1975, ou du dernier Pascal Comelade quelque chose de « vital » qui va bien au-delà du simple biographique ? Pourquoi y aurait-il dans la vie quelque chose de plus que la seule biographie, et surtout pourquoi la musique « pop » serait-elle une forme apte à transcrire cette part excédentaire ? Peut-être parce que la musique populaire fait appel plus que les autres formes d’art (et aux formes musicales antérieures) à la personne de l’interprète. Elle connecte, pour le meilleur comme pour le pire, la production artistique à une individualité, à une personne qui ne s’absente plus derrière son ouvrage mais est censée s’affirmer à travers lui. Derrière une chanson on est supposé pouvoir entendre les tics, les humeurs, les frustrations, la coupe de cheveux du musicien. Autrement dit la pop ne cesse de connecter la musique au réseau d’organes et d’apparat qui l’engendre, la produit, l’interprète. En ce sens la pop est bien une musique éminemment personnelle. Mais la grande force de Daniel Johnston, Jackson C. Frank ou Comelade est en quelque sorte de crocheter cette relation à la personnalité pour lui substituer une relation à la vie : la musique n’est plus là pour exprimer une personnalité constituée, achevée, elle est là pour prendre le relais d’une personnalité qui justement n’est pas achevée. Si Daniel Johnston, Comelade, Jackson C. Frank composent autant, tout le temps, chaque jour, c’est parce cette musique doit donner forme à quelque chose qui en eux-mêmes n’est pas formalisé. Qu’est-ce que c’est ? A la rigueur cela importe peu. Cela peut-être chez Jackson C. Frank une série d’événements trop lourds, trop atroces, intervenus trop vites pour pouvoir être compris, cela peut-être chez Daniel Johnston les turbulences intérieures de la folie. Mais cela peut-être tout autre chose. (Qu’est-ce que c’est chez Comelade ? Qu’est-ce qui vient secouer, agiter, nevroser son jeu de piano à ce point ? Nous n’en savons rien et à la limite cette question n’est pas la bonne). Le problème n’est pas de savoir ce qui, dans la personnalité du musicien vient se transcrire, « s’exprimer », dans une chanson – quand bien même il s’agirait de quelque chose de non formalisé, une folie, un tic, une névrose – mais bien de percevoir en quoi la musique jouée de cette manière conduit à construire un rapport à soi qui soit un rapport non formalisé. Renversement complet de la mythologie du rock n’ roll, la musique et l’interprétation ne font plus signes vers une personnalité constituée, prête à être admirée, reconnue, identifiée, elle induit un rapport à soi essentiellement expérimental : chaque chanson, chaque interprétation, comme une petite inflexion de soi même, comme une nuance insoupçonnée, comme une mise en forme ponctuelle de certaines forces qui mettent la personnalité en vacillement au lieu de la constituer.

Wednesday, October 04, 2006

Lenlow et le motif


1. Dans Le geste et la parole, Leroi-Gourhan se sert de l’analyse des modes de figurations dans l’art paléolithique pour envisager une alternative à l’économie de la représentation telle que nous la connaissons. Quelle spécificité Leroi-Gourhan isole-t-il pour caractériser cet art ? On peut dire que cette spécificité est double.
D’une part elle ne s’origine pas dans une attitude mimétique où la représentation s’affirmerait comme l’expression graphique d’une réalité extérieure, elle commence dans l’abstrait, c'est-à-dire dans la pure figuration d’un rythme par le biais d’une disposition de petits motifs répétés, d’un agencement séquentiel d’une multiplicité de formes simples. Ce n’est que peu à peu que ces dispositifs rythmiques abstraits se développent en formes représentatives. La ligne courbe abstraite va se tordre et s’étoffer peu à peu jusqu’à décrire le contours d’un bison ou d’un cheval
D’autre part, cette figuration, en tant qu’elle procède à partir du motif abstrait et de son explicitation immanente, ne s’inscrit pas dans un espace donné de la figuration, ne se déploie pas dans une structure qui lui préexiste (l’espace euclidien de la perspective à la renaissance, l’espace même fragmentaire de la perception dans l’art moderne). Il n’existe pas de légalité à priori de l’espace de la figuration, cet espace se produit à partir de la ligne, il croit en fonction du linéament du motif, il est rayonnant « comme le corps de l’oursin ou de l’astérie » à partir de lui. L’espace est ce qui s’engendre à partir du motif et non ce qui s’impose comme la condition de possibilité de toute perception.
L’analyse de Leroi-Gourhan n’a pas qu’une valeur historique ou anthropologique. Elle est solidaire d’une analyse des mécanismes actuels de la figuration. Leroi-Gourhan analyse en ceux-ci la fin d’un paradigme (celui de l’espace comme a priori de toute perception, de la formalisation du visible par la structure, en un mot de la « représentation » au sens que nous lui donnons actuellement). Il considère qu’avec l’art abstrait nous sommes à la jonction entre une forme de figuration - parvenue à son terme, et une autre n’ayant pas encore trouvé son mode de systématisation. Peut importe en réalité si cette prophétisation s’avère exacte ou non. L’important est dans la fonction que prend, dans cette perspective, son analyse de la figuration paléolithique : Celle-ci vaut comme mise au jour des procédés premiers par lesquels une figuration se constitue et s’élabore, procédés qui se sont développés d’une certaine manière, aboutissant à notre figuration classique, mais qui peuvent être exploités autrement (l’art paléolithique en est précisément la preuve).

2. On avait montré que l’indie pop actuelle était à la recherche de nouveaux espaces musicaux. Que, partant de la conscience que tout morceau est un morceau d’espace, une certaine manière d’agencer entre eux des motifs hétérogènes, l’indie pop cherchait à constituer des espaces qui ne résolvent pas mais donnent à entendre cette hétérogénéité.
Dans cette perspective, la musique électronique et en particulier le bootleg est solidaire de cette démarche. En effet, le bootleg travaille sur des matériaux déjà crées. Un bootleger ne joue d’aucun instrument, et souvent il ne travaille même pas le matériau sonore qu’il a à sa disposition. Le bon bootleg est celui qui évite au maximum de retoucher les morceaux qu’il assemble. Moins il y a d’effet surajouté (delay, reverb, saturation…), moins on change le rythme initial ou la tonalité (pitch) du morceau de départ plus l’effet de mélange a des chances d’être produit. Tout est donc affaire d’agencement, de coupe, de superposition, d’immiscions. Rendre homogène un assemblage hétérogène (ce qui n’équivaut pas à la production d’un ensemble homogène : les bootlegs les plus réussis sont souvent les plus drôles en ce sens que ce sont ceux qui assemblent des titres au départ radicalement différents)

3. Toutefois le bootleg, en un autre sens, travaille peut-être encore plus que la pop sur des espaces déjà préfixés. En effet, les morceaux assemblés doivent partager une communauté de rythme et de tonalité, et si la pratique du bootleg s’est à ce point généralisée, non seulement dans son audience mais aussi dans ses protagonistes, c’est que partant de cette double constante, rythmique et tonale, le bootleg se ramène à un procédé général et déclinable à l’envi. La plupart des bootlegs se satisfont de cette identité entre des morceaux.
C’est ici qu’intervient la nouveauté de Lenlow. Lenlow introduit un nouveau critère d’assemblage : l’assemblage par le motif. Ses bootlegs assemblent des morceaux non pas tant en raison d’une proximité rythmique ou d’une identité harmonique, mais parce qu’il existe un « motif » commun qui passe entre les morceaux. C’est le « let’s get it on/ it’s coming on » de « Get Eastwood », c’est la ligne de guitare de The man who sold the world qui, sur le premier couplet de « J-Lo vs K-Co vs S-Wo » détone avec la ligne de voix de « Jenny from the Block » mais qui se révèle, sur le second, coller presque note pour note avec la phrase de J-Lo ("love my life and my public; Put God first And can't forget"). C’est encore parfois juste un mot ou un groupe de mot (« In the morning », « last night »). L’exemple le plus frappant réside sans doute dans ses premiers bootlegs, comme par exemple « Vegas Baby ».
Dans ceux-ci Lenlow ne faisait pas encore usage du chant, il isolait des motifs purement musicaux, abstraits, et travaillait sur leur assemblage. « Vegas Baby » parait au premier abord assez convenu, il n’a ni l’efficacité ni la drôlerie des suivants, mais il a presque valeur de manifeste : Quelle ressemblance y a-t-il entre Biz Markie –« My Man Rich »; The Strokes – « Between Love & Hate »; Led Zeppelin – « When the Levee Breaks »; Buddy Rich – « Drum Solo »; Bad Bascomb – « Black Grass »; Suzanne Vega – « Tom's Diner »; The Magnetic Fields – « The Luckiest Guy on the Lower East Side »; Benny Benassi – « Satisfaction » ? la réponse est ceci :

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Chez Suzanne Vega c’est le « tu tu du du tu tu du du »
Chez les Magnetic Fields c’est « Ton WIN on win-IN on on »
C’est la batterie qui frappe sur les pics
C’est le loop de Benny Benassi qui produit une distorsion du motif une note sur deux
C’est le jeu de basse

Le motif est certes ici on ne peut plus basique, motif binaire très présent notamment dans le funk, le hip hop ou la house. Néanmoins, c’est lui, ce petit motif purement abstrait (abstrait car pas uniquement mélodique : il l’est dans la basse, dans le sample des magnetic fields ou de Suzanne Vega, mais il est rythmique dans la batterie et il est un pure distorsion d’une texture sonore, a-mélodique dans le sample de « Satisfaction »). C’est lui qui assure la communauté entre les différents morceaux hétérogènes. Lenlow ne cessera de travailler à partir de ce procédé, en cherchant des motifs toujours plus subtils ou complexes : la ligne sinusoïdale de la guitare de « The man who sold the world », la descente d’accords mineurs jouée au piano dans « (Love is like a) Heat Wave » de martha & the Vandellas, et qui se retrouve à l’identique dans « Black & White Town » des Doves, etc. A chaque fois Lenlow isole un motif, une petite séquence de mélodie, de rythme, de phrase, de son, qui vaut comme diagonale, comme transversalité d’un morceau à l’autre.
Or ce critère de constitution d’ensembles musicaux hétérogènes diffère grandement des critères rythmiques et harmoniques. En effet le rythme aussi bien que la tonalité valent comme structures, ils décrivent un certain champ possible de la variation. Etant donné un rythme et une tonalité donnés, la variation du motif se trouve soumise à des normes de déambulation possible. Avec Lenlow, l’espace musical, l’assemblage, le « mix » se trouve à l’inverse engendré à partir du motif. Ce n’est plus l’ensemble pré-constitué qui détermine les motifs possibles, c’est le motif isolé qui engendre à partir de lui l’ensemble. Les morceaux de Lenlow obéissent bien sûr aux convenances de rythme et de tonalité mais ils se constituent comme un certain entremêlement de motifs – motifs qui ne se confondent pas avec une mélodie, motifs proprement « abstraits » de leur ensemble d’origine, la chanson - et la force de certains morceaux vient souvent du prolongement simultané du motif par les deux chansons d’origine. Sean Paul et Gorillaz usent du même motif mais le prolongent différemment, de même Doves et Martha & the Vandellas, de même Stevie Wonder et Jennifer Lopez, de même Wipeout et le générique de Batman, mais chacun a une façon différente de prolonger ce motif commun, et c’est en laissant ces prolongements se déployer en même temps que Lenlow parvient à des situations hétérogènes qui se tiennent.
La drôlerie ou la surprise d’un bootleg vient de cette mise en évidence (et de la mise en commun) des manières distinctes qu’il peut y avoir d’expliciter un même motif abstrait.
Concevoir l’ensemble musical comme un ensemble de lignes, qui se croisent, s’entrecroisent, s’éloignent. Un ensemble se constituant en extension du motif

5. Avec Lenlow on peut penser une nouvelle compréhension de ce qu’est une « abstraction ». L’abstrait ce n’est pas ce qui est hors de toute réalité (l’idéal, l’en soi), c’est ce qui est disponible pour plusieurs ensembles, ce qui est susceptible d’être réalisé de diverses manières. En ce sens l’abstraction n’est, paradoxalement rien au dehors de ses instanciations mais elle est plus que cette somme car elle en est la virtualité.

Le site de Lenlow:

http://luke.enlow.net/music.html

[EDIT: La passionnantissime histoire du Amen break, découverte récemment, offre un pendant idéal à cette théorie des motifs. Vous pouvez aller l'écouter ici, en version sous-titrée. Ou sinon.]