Leibniz était un mec trop cool

Ce blog est consacré à la rédaction d'opuscules à teneur métaphysique sur des groupes de rock & roll (et aussi à Leibniz)

Monday, April 03, 2006

Tim Buckley (2/2: le chant et la voix)


« Parce que les sirènes, qui n’étaient que des bêtes (…), pouvaient chanter comme chantent les hommes, elles rendaient le chant si insolite qu’elles faisaient naître en celui qui l’entendait le soupçon de l’inhumanité de tout chant humain » (M. Blanchot, Le livre à venir)

[Résumé des épisodes précédents: et puis quoi encore vous n'avez qu'à lire la première partie]

Mais cela n’était pas suffisant. Il y eut comme un désir souterrain et constant de cette voix : le rêve de devenir une pure texture, une pure vibration, une variation impersonnelle, quelque chose comme une lumière qui change. Une voix qui ne serait qu’un linge au vent, se gonflant selon le souffle. Et pour cela Tim Buckley n’a eu de cesse de chercher à décrocher sa voix de toute référence à sa personnalité : lui qui avait une voix si caractéristique, si singulière le voilà qui se prend à imiter l’animal, à imiter le ressac de l’océan, la sorcière, à hurler, suffoquer comme s’il pouvait parvenir à se déprendre de sa propre voix ou plutôt faire en sorte que sa voix se déprenne de lui. La mutation de la voix à laquelle on assiste d’album en album c’est la recherche d’une dépersonnalisation du chant jusqu’à en devenir monstrueux. Entre les deux versions de "Song to the siren" (celles de 1968 et celle de Starsailor en 1970) comment ne pas remarquer la puissance de métamorphose qui a conduit la voix à devenir méconnaissable
Et pourtant avec Starsailor on pourrait croire, à première vue, à une exploration plus poussée du même processus de soumission de la musique à la variation du chant: la voix devenue cette fois ci halletante, rauque, sauvage entraîne avec elle la musique – devenue jazz atonal - vers une logique de la fragmentation. Mais cette recherche est comme passée à un stade supérieur : il ne s’agit plus seulement de faire se transformer une musique en la soumettant à la variation de la voix, il s’agit de soumettre cette voix à une variation qui n’est pas elle. Il s’agit en somme d’élaborer une variation qui ne soit plus uniquement le fait de la voix et de ses « humeurs » personnelles (du chant en tant qu’il se rapporte à un chanteur) mais qui soit comme autonome : une variation pure, abstraite, déliée, qui ne dériverait plus du chant mais attirerait le chant à elle.
Mais comment le chant pourrait-il être autre chose que personnel ? Le procédé trouvé dans Starsailor est remarquable d’intelligence musicale : Pour amener la voix à la dépersonnalisation il faut instaurer une scission en elle: produire un chiasme entre le chant et la voix. Car le chant est toujours individualisé par un motif (la mélodie) alors que la voix est une texture (un « grain » de voix). Et le prodige de cet album est de parvenir à les dissocier, à faire passer une fêlure entre les deux.
Si sur la première face on retrouve bien le procédé habituel par lequel la musique se fait fonction d’un chant sans cesse plus brisé, plus frappé, plus déconstruit, (sur "Come here woman" le groupe suit note à note la "mélodie" vocale) à partir de "Song to the siren" la voix passe littéralement au dehors du chant. On a pu dire en entendant cette version et en la comparant à celle de 1968 que Tim Buckley avait perdu sa voix, mais de fait il l’a perdu et ce pour une raison simple : elle est passée de l’autre côté du chant. En arrière plan du chant on entend soudain des chœurs qui s’élèvent, stridents, hurlants, de pures nappes vocales superposées, inhumaines. A partir de cet instant et jusqu’au bout de l’album ces chœurs seront présents, en arrière plan de la musique : nappes de voix traitée comme une texture, sans mélodie : de la voix pure et en même temps à peine une voix. Il y aura dès lors deux foyers: le foyer du chant qui se démène et continue d’exercer sur la musique son pouvoir dérivatif, et le foyer des chœurs, de ces nappes de voix pures qui fonctionnent comme le point d’attirance du chant : ce point de neutralité où celui-ci accèderait à sa dépersonnalisation.
Il faudrait analyser dans le détail ce procédé : comment sur certaines phrases de "Song to the siren" les chœurs épousent les variations de la mélodie, en sont comme la simple résonance, comment ils semblent gonfler peu à peu à partir de l’incantation « Mama lie » sur "Jungle Fire", comment ils constituent enfin l’ensemble de la texture sonore sur "Starsailor" avant d’éclater dès l’amorce de "The Healing Festival". Ce second foyer de la voix ne fait jamais de mélodie, il n’obéit à aucun rythme stable, il fonctionne comme une texture simple, ondulante. Dès lors le chant de Tim Buckley n’est plus uniquement ce principe de variation s’exerçant sur la trame musicale, il est lui-même soumis à une variation et cette variation passe à travers lui, c’est la variation de la voix devenue impersonnelle, une pure onde, sans motifs. C’est la voix des sirènes.
Lorsqu’il s’agissait de rendre la musique fonction du chant il fallait que la voix apprenne à chanter, et conduise ainsi par ce chant débridé et aléatoire la musique vers des dimensions inédites. Mais lorsqu’il s’agit à présent de soumettre non seulement la musique mais également le chant même à la simple variation, abstraite, il est nécessaire d’opérer le chemin inverse et reconduire idéalement ce chant vers ce point de désincarnation et de variation pure, sans motif, qu’est la voix. Voix qui ne renvoie pourtant paradoxalement plus l’image de l’origine du chant, mais tout au contraire le point que celui-ci n’a pas encore atteint, le point du dehors où, l’atteignant, il cesserait, enfin, d’être personnel.

« Les sirènes : il semble bien qu’elles chantaient, mais d’une manière qui ne satisfait pas, qui laissait seulement entendre dans quelle direction s’ouvraient les vraies sources et le vrai bonheur du chant. Toutefois, par leurs chants imparfaits qui n’étaient qu’un chant encore à venir, elles conduisaient le navigateur vers cet espace où chanter commencerait vraiment. Elles ne le trompaient donc pas, elles menaient réellement au but. Mais le lieu une fois atteint, qu’arrivait-il ? Qu’était ce lieu ? Celui où il n’y avait plus qu’à disparaître, parce que la musique, dans cette région de source et d’origine, avait elle-même disparu plus complètement qu’en aucun autre endroit du monde. » (ibid)

Tim Buckley (1/2: La musique en variation)


Soit deux genres musicaux distincts, d’une part la pop d’autre part le folk. Si l’on cherche à les caractériser suivant ce qu’ils ont de commun on dira que ce sont à chaque fois des genres où une voix chante sur une trame musicale. Mais en quoi se distinguent-ils ? On peut dire qu’ils diffèrent en tant que ce rapport de la voix à la musique n’est pas généré de la même façon :
- Dans le folk c’est la trame musicale – souvent la guitare – qui sert de base, qui tisse un rythme, une mélodie ou une gamme, et la voix fait des variations à partir de cette trame. En ce sens le folk vient bien du blues où la voix n’était la plus part du temps qu’une simple improvisation à partir du canevas rythmique tissé par la guitare ou le pied.
- Dans la pop c’est tout le contraire : c’est la voix qui produit la mélodie centrale (la pop se chantonne) et c’est la musique qui fait des variations autour d’elle, qui crée des « arrangements ».
On pourrait dire ainsi que dans le folk la voix est fonction de la musique alors que dans la pop c’est la musique qui est fonction de la voix.

La question de Tim Buckley est la suivante : Qu’est ce que cela peut bien vouloir dire de faire du « folk-pop » ? Ses deux premiers albums sont essentiellement pop, remplis de cordes, de pianos, d’arrangements baroques caractéristiques de la pop de la fin des années 60, et ainsi ils devraient vérifier la fonction essentielle de cette musique, à savoir un entraînement de la musique derrière la mélodie de la voix. Oui mais voilà, la voix n’est plus du tout une voix pop. C’est une voix proprement héritière du blues et du folk, à savoir une voix déliée, en variation permanente, qui préfère défaire la mélodie plutôt que la faire. La voix ne structure jamais une mélodie close, elle tisse des variations à partir d’elle. Mais alors que devient la musique ? Si l’on demeure bien dans une méthode pop, cette musique devrait suivre la voix, se structurer par elle, au fil de ses ritournelles. Et c’est ce qu’elle fait, la musique continue de suivre la voix, mais là où cette voix l’emmène ce n’est plus sur le territoire d’une mélodie achevée, c’est vers la ligne indéfinie d’un méandre.
Ce que Tim Buckley invente c’est donc un procédé nouveau, une fonction nouvelle qui place une voix folk en territoire pop et conduit ainsi la musique à se faire fonction de ses variations. Les deux premiers albums explorent les possibilités ouvertes par ce procédé. En particulier dans Goodbye and Hello et dans des morceaux comme "Pleasant Street", ou surtout le morceau titre, où c’est proprement la voix qui imprime ses soubresauts et ses variations à l’ensemble de la structure musicale. Durant l’enregistrement on raconte que tandis que les musiciens et arrangeurs déployaient des trésors d’inventivité pour habiller les morceaux, Tim Buckley se contentait d’approuver vaguement par un hochement de tête muet. Car il savait que l’essentiel n’était pas dans les éventualités plus ou moins symphoniques d’une composition réglée mais dans l’opération que la voix allait pouvoir effectuer au sein de ces échafaudages. L’essentiel résidait dans le souvenir de cette expérience décisive lorsqu’il passa la journée en studio à observer Fred Neil enregistrer "The Dolphins" et expérimenter prise après prise les virtualités du morceau en en modifiant le rythme, la cadence, le jeu. C’est cela qu’il fallait produire : l’ouverture de la chanson sur ses propres virtualités, et chez Tim Buckley cela passe par la contorsion aléatoire de tout l’édifice musical en fonction de chant. Ce qu’il fallait produire en somme c’était le renversement de la relation entre composition et variation (et non leur synthèse dans la pure et simple improvisation) : la variation comme opération sur la composition et non comme produit dérivée de celle-ci. Mais l’artillerie lourde du symphonisme des deux premiers albums empêchaient la musique d’atteindre ce point de flexibilité souhaité par la voix, c’est pourquoi ce sera essentiellement dans le live que Tim Buckley trouvera l’occasion de ses visions : Ses musiciens de live ne sont pas des improvisateurs, ce sont des animaux vigilants : ils savent précisément quoi jouer pour accompagner la mélodie initiale, mais ils savent aussi pertinemment que ce ne sera jamais à cette mélodie là qu’ils auront affaire, que Tim Buckley en explorera à chaque fois des virtualités différentes, en accentuera les lenteurs, en modifiera le rythme.

L’album Happy Sad a en ce sens valeur de manifeste : Ayant réduit ses musiciens au strict minimum (sa formation de live), il tente d’explorer ce pouvoir de métamorphose de la voix sur la musique à l’échelle d’un album entier : L’album part donc d’un morceau blues folk assez traditionnel et opère à partir de lui une fonction de variation. Pour cela il fallait des musiciens suffisamment élastiques et vigilants qui entrevoient instant après instant les inclinations que leur dictait la voix prise dans le méandre. ( ainsi la contrebasse sur "Dream letter" qui épouse comme un souffle les syllabes introductives du morceau, le pouvoir d’effacement de la guitare et du vibraphone à mesure que "Love from room 109" s’étire dans le murmure). La voix est portée à des limites inouïes sur ce disque : d’abord chantonnante, puis s’étirant peu à peu, elle glisse progressivement vers le souffle, le frétillement, le cri ; et ce faisant, la musique qui l’accompagne est à son tours emportée dans cette métamorphose, le rythme n’y est plus une constante structurant le morceau mais une variable, un emballement momentané, la note n’est plus une partie du tout mélodique, mais une ponctuation, une marque, un repère au sein d’un processus indéfini, une balise au milieu d’un devenir. Au sortir de ce disque-expérience, Tim Buckley n’a rien trouvé. Il n’a pas trouvé une formule musicale, stylistique ou mélodique arrêtée il a expérimenté une fonction inédite de la voix. Poursuivre c’était alors nécessairement continuer à muter, continuer à exercer cette fonction à partir du lieu où elle s’était interrompue. Ce sera la rôle de Lorca de reprendre la voix là où Happy Sad l’avait laissée et avec elle cette musique de plus en plus proche de l’onde ou de la vague. Ainsi ce morceau où la voix imite la houle lancinante d’un océan, induisant la musique à s’étirer autant qu’elle le peut, telle un navire au milieu du ressac (à suivre...)

Saturday, April 01, 2006

Les ensembles (Quelques caractéristiques de l'indie pop-suite et fin)

[NB: Je précise tout de suite: Ca ne veut rien dire si vous n'avez pas lu ce qu'il y a avant!]

L’indie pop d'après in the aeroplane over the sea semble repartir de ce même problème : comment un ensemble se produit hors de toute linéarité ? ou, en termes plus musicaux : comment se constitue un morceau si ce qui l’ordonne ne peut plus être une mélodie unique et continue (linéarité temporelle d’une narration ou d’une structure pop traditionnellement structurée, linéarité de la voix au sens d’une « lead vocal »)? Que ce soit chez Arcade Fire, The Go Team, Animal Collective, Godspeed ou Gang Gang Dance il devient de plus en plus difficile de repérer une mélodie unique et structurante, une de ces ritournelles isolables avec deux doigts sur un clavier de piano comme on en trouvait dans la pop anglais des années 60 ou 80. La mélodie est d’emblée disposée en archipel, par îlots, comme on dessinerait une carte (ici un melodica joue un motif, plus loin des guitares en tissent un autre, ailleurs une rythmique hip hop ajoute un nouveau plan non homogène etc.). De même, la voix tend à se pluraliser (des chœurs omniprésents, des unissons) et à perdre de sa linéarité ( les pistes vocales démultipliées et syncopées chez Animal Collective, les voix travaillées comme des samples chez The Go Team ou comme de simples motifs mélodiques parmi d’autres chez Architecture in Helsinki ou dans Haïti d’Arcade Fire).
Dans cette musique on ne cesse donc de partir de foyers hétérogènes et on agence à partir d’eux des ensembles. On dira : quelle différence puisqu’au final c’est toujours une construction homogène qui tend à être produite, exactement comme dans la pop traditionnelle ? Mais précisément ici on tend vers cette construction alors qu’auparavant on en partait (le fameux adage : une bonne chanson se compose d’abord seul à la guitare sèche) ; la mélodie n’est plus l’ossature à partir de laquelle les éléments se déploient peu à peu mais d’emblée un produit bâtard, un lieu d’intersection entre les divers foyers sonores qui lui préexistent. La mélodie n’est désormais plus séparable d’un unisson. On parvient à la mélodie on n’en part pas (c’est peut-être de là que vient parfois la beauté d’un disque comme Funeral : le sentiment fugace qu’au bout d’un certain temps, épuisés, on est enfin parvenu à une mélodie) Et on y parvient lorsque soudain les flux se croisent, les motifs se redoublent, chantent à l’unisson une petite ritournelle (Wake up, Huddle Formation, la fin de Do the whirlwind, Who could win a rabbit ?...) avant de repartir à nouveau, chacun de leur côté, ou s’interrompre.
La mélodie c’est l’indicatif de convergence rendue possible par l’ensemble produit. On trouve ainsi des ensembles à fort taux de convergence comme chez Sufjan Stevens, Go Team ou Architecture in Helsinki qui ne cessent de produire des petites mélodies éphémères dans tous les sens, et d’autres à plus faible taux de convergence comme Animal Collective ou Gang Gang Dance où la tension vers la mélodie ne cesse d’être parasitée. Mais dans tous les cas cette même façon de repenser la chanson comme un espace à produire et à investir revient à affirmer que la musique pop doit se penser comme cet art à tâtons qui, à partir de foyers sonores essentiellement hétérogènes, ne cesse d’expérimenter la constitution d’ensembles inédits, inaudibles jusqu’alors (un bell’orchestre, une parade, un collectif, une team, un gang, une polyphonie, une architecture etc.). [novembre 2005]

Sur Jeff Mangum (Quelques caractéristiques de l'indie pop 2/3)


Un ami m’a fait remarquer la proximité entre ce disque (In the Aeroplane, donc) et Astral Weeks de Van Morrison, cet autre immense disque, de 30 ans son aîné. Même urgence qui court le long de la voix, même capacité à organiser la musique (mélodie, arrangements, format) en fonction du chant, même façon d’exaspérer la pop par les cuivres. Pourtant à bien y réfléchir on pourrait dire qu’In The Aeroplane est l’inverse d’Astral Weeks . Son double renversé car de l’un à l’autre c’est le temps qui s’est rompu. On retrouve bien chez Van Morrison ce qui fera la particularité du chant de Jeff Mangum : une voix criarde qui tantôt allonge la note tantôt accélère le débit, comme si le temps manquait pour tout dire, un chant du temps qui presse. Mais dans Astral Weeks c’est un temps lourd, une immense durée saisie dans le passage de l’adolescence au monde adulte. La voix est prise dans une expérience du seuil, traînant derrière elle des images de l’enfance mais toute entière éprouvant déjà, dans son impatience même la perte de ces images et le passage au-delà (cf. Madame George). Expérience du passage qui contamine la musique même où le jazz infuse le folk pour le rendre allègre, l’étirer, le tendre vers l’élaboration d’une forme nouvelle. Dans In The Aeroplane, à l’inverse, le temps cesse d’être éprouvé dans sa linéarité. Parlant d’Anne Frank, Mangum chante : « I know they burried her body with others, her sister and mother and 500 families, and will she remember me 50 years later. I wish I could save her in some sort of time machine” ( oui je sais qu’ils ont enseveli son corps avec d’autres, sa soeur, sa mère et 500 familles, et se souviendra-t-elle de moi 50 ans plus tard? J’aimerais pouvoir la sauver par une sorte de machine à voyager dans le temps »). On retrouve la question que posait inlassablement Robert Wyatt dans son micro- chef d’œuvre A Short Break « Is every moment forever ? Or never ? ». Et aux vignettes délavées de l’enfance qui ornaient le livret de ce dernier fait place une succession éclatée, fragmentaire d’images. Images de temps tragiquement révolus, de lieux lointains, de rêves ou de cauchemars que rien ne parvient à raccorder au présent. Entre ces morceaux de temps le seul lien est la voix. La voix se rêve comme ce par quoi et en quoi ces images pourraient demeurer vivantes. D’où cette façon nouvelle de chanter qu’il fallait trouver : Chanter comme si l’image allait mourir avec le souffle qui la porte et ainsi la nécessité de pousser le chant, d’étendre la note le plus loin possible. La voix de Mangum oscille ainsi entre le décompte exaspéré de toutes les images de vie qui se trouvent à sa portée (« and count every beautiful thing we can see ») et l’extension jusqu’à l’essoufflement de la note, pour continuer à faire vivre, à ranimer ce qui se tient inerte dans le passé (« How I push my finger threw your mouth to make those muscles move and make your voice so smoothe and sweet »).
Astral Weeks c’est la voix prise dans la durée. In The Aeroplane c’est la voix au milieu des fragments de temps et investissant idéalement chacun pour leur redonner vie (chanter Anne Frank)
Pourquoi l’échec d’In The Aeroplane ? Pourquoi ce disque marqua-t-il à partir de lui l’impossibilité pour Mangum de faire de la musique de la même façon? (voire de faire de la musique tout court ?) Parce qu’il y découvrait que tout chant tend à l’essoufflement, que les images ne vivent en lui que pour autant que le souffle tienne. Mais il ne tient pas, et les cuivres tendues d’Oh Comely ont beau venir prendre la relève au moment où la voix s’épuise l’échec reste le même : la découverte au sein même du chant de l’impossibilité de chanter - de chanter comme il le faudrait pour que ce chant continue de soutenir la vie.

Le silence d'après In the aeroplane over the sea
Pour Mangum il fallait alors repartir d’ailleurs, d’un autre commencement de la musique. Repartir en deçà même de la voix pour demander : comment un ensemble peut être produit ? Si le chant échoue dans cette tension à faire tenir ensemble les fragments d’espace et de temps qui l’entourent il faut repartir en deçà, là où des ensembles ténus se constituent d’eux-mêmes. Après In The Aeroplane, Mangum se mit à sillonner l’Europe pour y enregistrer des bribes de son : des chants traditionnels bulgares, le bruit de la mer, des ambiances de place du village etc. Collection simple de petites traces sonores éparses. Puis il se mit à les assembler (ce qui fut selon lui le plus gros du travail). Produire de la sorte de petits ensembles fragmentaires : « I Think that so much of the creative process is a fragmentary one » déclarait-il à Pitchfork en 2002 : « Le montage consiste à extraire des morceaux de réalité et à les réarranger – créant ainsi de nouveaux cadres afin de nous amener à s’arrêter et à porter un regard inédit sur les choses. C’est au fond extraire des morceaux de la réalité de tous les jours et les réarranger pour montrer aux gens la magie qui est déjà contenue de façon inhérente en chacune de ces choses »
En ce sens, si le silence post-aeroplane est bien en lien avec une impossibilité de chanter, avec un désespoir quant au rêve de donner vie par la voix, il n’y a pas de rupture sur le plan musical. Mangum expliquait déjà en ces termes sa méthode pour composer une chanson : « Il y a des petits fragments précis de mots et d’images qui flottent dans mon esprit et puis, à un moment donné, je m’assois avec ma guitare et tout s’agence (fall into place) ». Ainsi, que ce soit seul avec une guitare ou devant un assemblage de sons organiques sur ordinateur, il s’agit toujours de convertir le fragmentaire, de produire un assemblage à partir d’une multiplicité. Tant qu’on en restait à la voix comme vecteur privilégié de conversion du fragmentaire on était d’une certaine façon dans un vitalisme, dans une croyance en un flux de vie qui viendrait relier les morceaux en les traversant. Si Mangum repart d’un autre lieu, d’un lieu d’avant la voix, c’est qu’il reprend cette question de la production d’un ensemble à un autre niveau : celui du repérage d’une « magie inhérente » aux fragments que le musicien n’aurait qu’à rendre audible. Rendre audible ces forces de cohésion plutôt que chercher à les produire

Quelques carctéristiques de l'indie pop

A quoi reconnaît-on un groupe d'indie pop? A une occupation excessive de l’espace qui lui est imparti. Noms trop longs ( Godspeed you black emperor, Clap your hands say yeah, You say Party! We say die! Someone still loves you Boris Eltsine…groupes verbaux plutôt que nominaux), titres trop longs (dans Illinois de Sufjan Stevens, chez Of Montreal, dans les sous-titres de chansons des Flaming Lips...), espace sonore saturé (chez The Go Team, dans les productions de Dave Fridmann…), ou espace scénique bondé (souvent plus d’une demi-douzaine de musiciens, chez Godspeed, Architecture in Helsinki, Polyphonic Spree…). A chaque fois les cadres traditionnels de la pop se trouvent portés à leur comble.
Cette indie pop travaille donc à constituer des espaces suroccupés. Rarement dans l’histoire de la pop on avait accordé une telle importance à la notion d’espace. Un groupe n’est pas là pour faire passer le temps, ou pour rendre ce temps audible à travers une ritournelle linéaire, il est là pour produire un espace et l’investir. On ne redira en ce sens jamais assez l’importance significative d’un artiste comme Sufjan Stevens qui, d’album en album, ne cesse de penser sa musique comme un territoire (le fameux projet d’un album par Etat américain) et qui invente ainsi à une nouvelle forme d’écoute, analogue à la façon dont on peut circuler, sillonner, parcourir aléatoirement un espace nouveau. Mais cette démarche n’est pas isolée. Lorsque dans un morceau d’Arcade Fire on entend simultanément un accordéon à la Edith Piaf, des percussions à le Einsturzende Neubauten, des guitares rocks et des chants de marins, lorsque The Go Team conçoit explicitement ses morceaux comme des zones de croisement entre des flux multiples trouvant leur origine chez les Jackson 5, Sonic Youth, De la soul où des B.O. de films de la Blaxploitation, il s’agit à chaque fois de penser la chanson non plus comme une linéarité temporelle cohérente mais comme un lieu d’intersection entre des foyers musicaux hétérogènes. Les influences empruntées à différents moments de l’histoire de la musique restent non intégrées, comme continuant de fonctionner par elles-mêmes, simultanément, en parallèle, par bribes qui ne se résolvent jamais parfaitement dans l’unité d’une mélodie.
L’espace de la chanson fonctionne ainsi comme une sorte de mise en pièce du temps. Lorsque ces groupes pensent leurs « morceaux » (c’est le cas de le dire) comme des espaces à occuper, cela revient à faire cohabiter des lambeaux musicaux renvoyant à des temps différents, devenus comme des régions entre lesquelles la mélodie circule. On ne s’étonnera pas alors que bon nombre de ces groupes s’en réfèrent à Neutral Milk Hotel. Car sur cette pièce maîtresse qu’est In The Aeroplane Over The Sea c’est bien à cela que l’on assiste : un temps mis en pièce qui n’est plus le vecteur linéaire de la mélodie mais qui est cet ensemble fragmentaire au sein duquel la mélodie tente de circuler.

In the aeroplane over the sea et le temps en morceaux
Un ami m’a fait remarquer la proximité entre ce disque et Astral Weeks de Van Morrison, cet autre immense disque, de 30 ans son aîné. Même urgence qui court le long de la voix, même capacité à organiser la musique (mélodie, arrangements, format) en fonction du chant, même façon d’exaspérer la pop par les cuivres. Pourtant à bien y réfléchir on pourrait dire qu’In The Aeroplane est l’inverse d’Astral Weeks . Son double renversé car de l’un à l’autre c’est le temps qui s’est rompu. On retrouve bien chez Van Morrison ce qui fera la particularité du chant de Jeff Mangum : une voix criarde qui tantôt allonge la note tantôt accélère le débit, comme si le temps manquait pour tout dire, un chant du temps qui presse. Mais dans Astral Weeks c’est un temps lourd, une immense durée saisie dans le passage de l’adolescence au monde adulte. La voix est prise dans une expérience du seuil, traînant derrière elle des images de l’enfance mais toute entière éprouvant déjà, dans son impatience même la perte de ces images et le passage au-delà (cf. Madame George). Expérience du passage qui contamine la musique même où le jazz infuse le folk pour le rendre allègre, l’étirer, le tendre vers l’élaboration d’une forme nouvelle. Dans In The Aeroplane, à l’inverse, le temps cesse d’être éprouvé dans sa linéarité. Parlant d’Anne Frank, Mangum chante : « I know they burried her body with others, her sister and mother and 500 families, and will she remember me 50 years later. I wish I could save her in some sort of time machine” ( oui je sais qu’ils ont enseveli son corps avec d’autres, sa soeur, sa mère et 500 familles, et se souviendra-t-elle de moi 50 ans plus tard? J’aimerais pouvoir la sauver par une sorte de machine à voyager dans le temps »). On retrouve la question que posait inlassablement Robert Wyatt dans son micro- chef d’œuvre A Short Break « Is every moment forever ? Or never ? ». Et aux vignettes délavées de l’enfance qui ornaient le livret de ce dernier fait place une succession éclatée, fragmentaire d’images. Images de temps tragiquement révolus, de lieux lointains, de rêves ou de cauchemars que rien ne parvient à raccorder au présent. Entre ces morceaux de temps le seul lien est la voix. La voix se rêve comme ce par quoi et en quoi ces images pourraient demeurer vivantes. D’où cette façon nouvelle de chanter qu’il fallait trouver : Chanter comme si l’image allait mourir avec le souffle qui la porte et ainsi la nécessité de pousser le chant, d’étendre la note le plus loin possible. La voix de Mangum oscille ainsi entre le décompte exaspéré de toutes les images de vie qui se trouvent à sa portée (« and count every beautiful thing we can see ») et l’extension jusqu’à l’essoufflement de la note, pour continuer à faire vivre, à ranimer ce qui se tient inerte dans le passé (« How I push my finger threw your mouth to make those muscles move and make your voice so smoothe and sweet »).
Astral Weeks c’est la voix prise dans la durée. In The Aeroplane c’est la voix au milieu des fragments de temps et investissant idéalement chacun pour leur redonner vie (chanter Anne Frank)
Pourquoi l’échec d’In The Aeroplane ? Pourquoi ce disque marqua-t-il à partir de lui l’impossibilité pour Mangum de faire de la musique de la même façon? (voire de faire de la musique tout court ?) Parce qu’il y découvrait que tout chant tend à l’essoufflement, que les images ne vivent en lui que pour autant que le souffle tienne. Mais il ne tient pas, et les cuivres tendues d’Oh Comely ont beau venir prendre la relève au moment où la voix s’épuise l’échec reste le même : la découverte au sein même du chant de l’impossibilité de chanter - de chanter comme il le faudrait pour que ce chant continue de soutenir la vie.

Le silence post-aeroplane
Pour Mangum il fallait alors repartir d’ailleurs, d’un autre commencement de la musique. Repartir en deçà même de la voix pour demander : comment un ensemble peut être produit ? Si le chant échoue dans cette tension à faire tenir ensemble les fragments d’espace et de temps qui l’entourent il faut repartir en deçà, là où des ensembles ténus se constituent d’eux-mêmes. Après In The Aeroplane, Mangum se mit à sillonner l’Europe pour y enregistrer des bribes de son : des chants traditionnels bulgares, le bruit de la mer, des ambiances de place du village etc. Collection simple de petites traces sonores éparses. Puis il se mit à les assembler (ce qui fut selon lui le plus gros du travail). Produire de la sorte de petits ensembles fragmentaires : « I Think that so much of the creative process is a fragmentary one » déclarait-il à Pitchfork en 2002 : « Le montage consiste à extraire des morceaux de réalité et à les réarranger – créant ainsi de nouveaux cadres afin de nous amener à s’arrêter et à porter un regard inédit sur les choses. C’est au fond extraire des morceaux de la réalité de tous les jours et les réarranger pour montrer aux gens la magie qui est déjà contenue de façon inhérente en chacune de ces choses »
En ce sens, si le silence post-aeroplane est bien en lien avec une impossibilité de chanter, avec un désespoir quant au rêve de donner vie par la voix, il n’y a pas de rupture sur le plan musical. Mangum expliquait déjà en ces termes sa méthode pour composer une chanson : « Il y a des petits fragments précis de mots et d’images qui flottent dans mon esprit et puis, à un moment donné, je m’assois avec ma guitare et tout s’agence (fall into place) ». Ainsi, que ce soit seul avec une guitare ou devant un assemblage de sons organiques sur ordinateur, il s’agit toujours de convertir le fragmentaire, de produire un assemblage à partir d’une multiplicité.
Tant qu’on en restait à la voix comme vecteur privilégié de conversion du fragmentaire on était d’une certaine façon dans un vitalisme, dans une croyance en un flux de vie qui viendrait relier les morceaux en les traversant. Si Mangum repart d’un autre lieu, d’un lieu d’avant la voix, c’est qu’il reprend cette question de la production d’un ensemble à un autre niveau : celui du repérage d’une « magie inhérente » aux fragments que le musicien n’aurait qu’à rendre audible. Rendre audible ces forces de cohésion plutôt que chercher à les produire.

Produire des ensembles inédits
L’indie pop post-in the aeroplane semble repartir de ce même problème : comment un ensemble se produit hors de toute linéarité ? ou, en termes plus musicaux : comment se constitue un morceau si ce qui l’ordonne ne peut plus être une mélodie unique et continue (linéarité temporelle d’une narration ou d’une structure pop traditionnellement structurée, linéarité de la voix au sens d’une « lead vocal »)? Que ce soit chez Arcade Fire, The Go Team, Animal Collective, Godspeed ou Gang Gang Dance il devient de plus en plus difficile de repérer une mélodie unique et structurante, une de ces ritournelles isolables avec deux doigts sur un clavier de piano comme on en trouvait dans la pop anglais des années 60 ou 80. La mélodie est d’emblée disposée en archipel, par îlots, comme on dessinerait une carte (ici un melodica joue un motif, plus loin des guitares en tissent un autre, ailleurs une rythmique hip hop ajoute un nouveau plan non homogène etc.). De même, la voix tend à se pluraliser (des chœurs omniprésents, des unissons) et à perdre de sa linéarité ( les pistes vocales démultipliées et syncopées chez Animal Collective, les voix travaillées comme des samples chez The Go Team ou comme de simples motifs mélodiques parmi d’autres chez Architecture in Helsinki ou dans Haïti d’Arcade Fire).
Dans cette musique on ne cesse donc de partir de foyers hétérogènes et on agence à partir d’eux des ensembles. On dira : quelle différence puisqu’au final c’est toujours une construction homogène qui tend à être produite, exactement comme dans la pop traditionnelle ? Mais précisément ici on tend vers cette construction alors qu’auparavant on en partait (le fameux adage : une bonne chanson se compose d’abord seul à la guitare sèche) ; la mélodie n’est plus l’ossature à partir de laquelle les éléments se déploient peu à peu mais d’emblée un produit bâtard, un lieu d’intersection entre les divers foyers sonores qui lui préexistent. La mélodie n’est désormais plus séparable d’un unisson. On parvient à la mélodie on n’en part pas (c’est peut-être de là que vient parfois la beauté d’un disque comme Funeral : le sentiment fugace qu’au bout d’un certain temps, épuisés, on est enfin parvenu à une mélodie) Et on y parvient lorsque soudain les flux se croisent, les motifs se redoublent, chantent à l’unisson une petite ritournelle (Wake up, Huddle Formation, la fin de Do the whirlwind, Who could win a rabbit ?...) avant de repartir à nouveau, chacun de leur côté, ou s’interrompre.
La mélodie c’est l’indicatif de convergence rendue possible par l’ensemble produit. On trouve ainsi des ensembles à fort taux de convergence comme chez Sufjan Stevens, Go Team ou Architecture in Helsinki qui ne cessent de produire des petites mélodies éphémères dans tous les sens, et d’autres à plus faible taux de convergence comme Animal Collective ou Gang Gang Dance où la tension vers la mélodie ne cesse d’être parasitée. Mais dans tous les cas cette même façon de repenser la chanson comme un espace à produire et à investir revient à affirmer que la musique pop doit se penser comme cet art à tâtons qui, à partir de foyers sonores essentiellement hétérogènes, ne cesse d’expérimenter la constitution d’ensembles inédits, inaudibles jusqu’alors (un bell’orchestre, une parade, un collectif, une team, un gang, une polyphonie, une architecture etc.). [novembre 2005]

Quelques carctéristiques de l'indie pop en général (1/3)


1.A quoi reconnaît-on un groupe indie ?
A une occupation excessive de l’espace qui lui est imparti. Noms trop longs ( Godspeed you black emperor, Clap your hands say yeah, You say Party! We say die! Someone still loves you Boris Eltsine…groupes verbaux plutôt que nominaux), titres trop longs (dans Illinois de Sufjan Stevens, chez Of Montreal, dans les sous-titres de chansons des Flaming Lips...), espace sonore saturé (chez The Go Team, dans les productions de Dave Fridmann…), ou espace scénique bondé (souvent plus d’une demi-douzaine de musiciens, chez Godspeed, Architecture in Helsinki, Polyphonic Spree…). A chaque fois les cadres traditionnels de la pop se trouvent portés à leur comble.
Cette indie pop travaille donc à constituer des espaces suroccupés. Rarement dans l’histoire de la pop on avait accordé une telle importance à la notion d’espace. Un groupe n’est pas là pour faire passer le temps, ou pour rendre ce temps audible à travers une ritournelle linéaire, il est là pour produire un espace et l’investir. On ne redira en ce sens jamais assez l’importance significative d’un artiste comme Sufjan Stevens qui, d’album en album, ne cesse de penser sa musique comme un territoire (le fameux projet d’un album par Etat américain) et qui invente ainsi une nouvelle forme d’écoute, analogue à la façon dont on peut circuler, sillonner, parcourir aléatoirement un espace nouveau. Mais cette démarche n’est pas isolée. Lorsque dans un morceau d’Arcade Fire on entend simultanément un accordéon à la Edith Piaf, des percussions à la Einsturzende Neubauten, des guitares rocks et des chants de marins, lorsque The Go! Team conçoit explicitement ses morceaux comme des zones de croisement entre des flux multiples trouvant leur origine chez les Jackson 5, Sonic Youth, De la soul où des B.O. de films de la Blaxploitation, il s’agit à chaque fois de penser la chanson non plus comme une linéarité temporelle cohérente, ayant pour forme la mélodie, mais comme un lieu d’intersection entre des foyers musicaux hétérogènes. Les influences empruntées à différents moments de l’histoire de la musique restent non intégrées, comme continuant de fonctionner par elles-mêmes, simultanément, en parallèle, par bribes qui ne se résolvent jamais parfaitement dans l’unité d’une mélodie.
L’espace de la chanson fonctionne ainsi comme une sorte de mise en pièce du temps. Lorsque ces groupes pensent leurs « morceaux » (c’est le cas de le dire) comme des espaces à occuper, cela revient à faire cohabiter des lambeaux musicaux renvoyant à des temps différents, devenus comme des régions entre lesquelles la mélodie circule. On ne s’étonnera pas alors que bon nombre de ces groupes s’en réfèrent à Neutral Milk Hotel. Car sur cette pièce maîtresse qu’est In The Aeroplane Over The Sea c’est bien à cela que l’on assiste : un temps mis en pièce qui n’est plus le vecteur linéaire de la mélodie mais qui est cet ensemble fragmentaire au sein duquel la mélodie tente de circuler. (à suivre...)