Leibniz était un mec trop cool

Ce blog est consacré à la rédaction d'opuscules à teneur métaphysique sur des groupes de rock & roll (et aussi à Leibniz)

Saturday, April 01, 2006

Les ensembles (Quelques caractéristiques de l'indie pop-suite et fin)

[NB: Je précise tout de suite: Ca ne veut rien dire si vous n'avez pas lu ce qu'il y a avant!]

L’indie pop d'après in the aeroplane over the sea semble repartir de ce même problème : comment un ensemble se produit hors de toute linéarité ? ou, en termes plus musicaux : comment se constitue un morceau si ce qui l’ordonne ne peut plus être une mélodie unique et continue (linéarité temporelle d’une narration ou d’une structure pop traditionnellement structurée, linéarité de la voix au sens d’une « lead vocal »)? Que ce soit chez Arcade Fire, The Go Team, Animal Collective, Godspeed ou Gang Gang Dance il devient de plus en plus difficile de repérer une mélodie unique et structurante, une de ces ritournelles isolables avec deux doigts sur un clavier de piano comme on en trouvait dans la pop anglais des années 60 ou 80. La mélodie est d’emblée disposée en archipel, par îlots, comme on dessinerait une carte (ici un melodica joue un motif, plus loin des guitares en tissent un autre, ailleurs une rythmique hip hop ajoute un nouveau plan non homogène etc.). De même, la voix tend à se pluraliser (des chœurs omniprésents, des unissons) et à perdre de sa linéarité ( les pistes vocales démultipliées et syncopées chez Animal Collective, les voix travaillées comme des samples chez The Go Team ou comme de simples motifs mélodiques parmi d’autres chez Architecture in Helsinki ou dans Haïti d’Arcade Fire).
Dans cette musique on ne cesse donc de partir de foyers hétérogènes et on agence à partir d’eux des ensembles. On dira : quelle différence puisqu’au final c’est toujours une construction homogène qui tend à être produite, exactement comme dans la pop traditionnelle ? Mais précisément ici on tend vers cette construction alors qu’auparavant on en partait (le fameux adage : une bonne chanson se compose d’abord seul à la guitare sèche) ; la mélodie n’est plus l’ossature à partir de laquelle les éléments se déploient peu à peu mais d’emblée un produit bâtard, un lieu d’intersection entre les divers foyers sonores qui lui préexistent. La mélodie n’est désormais plus séparable d’un unisson. On parvient à la mélodie on n’en part pas (c’est peut-être de là que vient parfois la beauté d’un disque comme Funeral : le sentiment fugace qu’au bout d’un certain temps, épuisés, on est enfin parvenu à une mélodie) Et on y parvient lorsque soudain les flux se croisent, les motifs se redoublent, chantent à l’unisson une petite ritournelle (Wake up, Huddle Formation, la fin de Do the whirlwind, Who could win a rabbit ?...) avant de repartir à nouveau, chacun de leur côté, ou s’interrompre.
La mélodie c’est l’indicatif de convergence rendue possible par l’ensemble produit. On trouve ainsi des ensembles à fort taux de convergence comme chez Sufjan Stevens, Go Team ou Architecture in Helsinki qui ne cessent de produire des petites mélodies éphémères dans tous les sens, et d’autres à plus faible taux de convergence comme Animal Collective ou Gang Gang Dance où la tension vers la mélodie ne cesse d’être parasitée. Mais dans tous les cas cette même façon de repenser la chanson comme un espace à produire et à investir revient à affirmer que la musique pop doit se penser comme cet art à tâtons qui, à partir de foyers sonores essentiellement hétérogènes, ne cesse d’expérimenter la constitution d’ensembles inédits, inaudibles jusqu’alors (un bell’orchestre, une parade, un collectif, une team, un gang, une polyphonie, une architecture etc.). [novembre 2005]

1 Comments:

Blogger Ka said...

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3:03 PM  

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